Faites vos jeux !, chantonna dans l’ombre, de sa voix grave, le vieux croupier, avant de projeter d’une main experte sur la table une paire de dés blancs patinés par les ans.
Dans une course échevelée les cubes de bois s’élancèrent alors sur le tapis moelleux, caracolèrent de tous côtés, sautillèrent un moment, se télescopèrent avec malice puis, comme guidés par la main d’un chorégraphe invisible, ils s’immobilisèrent l’un après l’autre, côte à côte, au milieu de la table.
Le 2 !, le 3 !, le 23 !, hurla de sa voix grave, sur un ton presque amusé, le vieux croupier.
Un long soupir d’extase traversa l’assistance. Au même moment, au fond de la pièce, par une fenêtre entrouverte, un trait de lumière s’engouffra, traversa majestueusement la pièce et balaya d’un rayon ensoleillé les visages alignés au dessus de la table et qui murmuraient du bout des lèvres « le 23, le23, le23 ».
Dehors, rien ne semblait avoir changé. Le vent glissait, impassible, comme à l’accoutumée, entre les feuilles des tilleuls.
A l’intérieur, plus rien n’était comme avant. Personne pourtant n’aurait sut dire ce qui avait changé
Sur la table, les dés brillaient de mille feux.
Les visages, peu à peu s’animèrent et les bavardages doucement reprirent leur cours.
Dans le lointain, un oiseau tout bleu, les ailes largement déployées, planait dans le ciel.
La partie pouvait continuer.
Faites vos jeux !...
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